Le silence du ténor
Un père, une mère, six enfants. Avocat réputé, ténor du barreau de Beyrouth, le père plaide avec une rare éloquence. Dans l’exercice de sa profession, la parole est d’or. Son travail est sa vie. Il est craint, suit une discipline militaire, impose la gymnastique à ses enfants, ne comprend pas leurs jeux, leur interdit de lire Camus – qu’il juge subversif ! –, les punit sévèrement lorsqu’ils transgressent les règles… Mais derrière cette rigueur se cache un homme sensible, gourmand, plein d’humour, curieux de tout, à l’optimisme contagieux. Un jour, c’est le drame. Une attaque cardiaque le foudroie. Il se retrouve sur une chaise roulante, privé de la parole qui a fait sa célébrité. Muré dans le silence, le ténor souffre, refuse de voir ses amis. Mais l’amour de sa famille et l’espoir vont l’aider à surmonter l’épreuve…
Dans un style limpide, à travers des séquences tantôt émouvantes, tantôt cocasses, Alexandre Najjar rend à son père, à tous les pères, un merveilleux et bouleversant hommage.
Le Silence du ténor, paru en anglais chez Telegram (The Silence of my father) et en italien chez Il Leone Verde (Il Silenzio del oratore).
Article par Le Monde
[Alexandre Najjar] nous invite à entrer dans l’intimité de sa famille «si libanaise» où la langue de Voltaire et celle de Naguib Mahfouz s’entremêlent. On y pénètre avec gourmandise, dégustant à chaque page la richesse de notre propre langue qu’Alexandre Najjar manie avec fluidité et subtilité, usant de temps à autre, à dessein, de quelques formules surannées.Lire l'article (version texte cachée ou version PDF)
" Le ténor s'est tu un triste jour de novembre 2002. Depuis, Alexandre Najjar a tenté de retrouver les mots de son père, les souvenirs de son enfance qui s'estompent peu à peu... Ces mots pudiques, à la fois émus et drôles, l'auteur les a réunis dans son dernier livre : Le silence du ténor."
"Grâce à son talent de conteur, Alexandre Najjar a transformé son père en personnage de roman."
"Un livre très émouvant."
"Un portrait si juste et si émouvant du ténor silencieux."
"L'auteur nous émeut par sa délicatesse d'esprit et sa douceur. "
"Quand un écrivain de la trempe d’Alexandre Najjar se bonifie, il retrouve les accents du cœur de la jeunesse pour conter dans un style non seulement limpide mais surtout merveilleux, qui magnifie les états d’âme, les émotions et les situations les plus simples pour les hisser au rang d’épopée de l’âme. Avec «Le silence du ténor», hommage d’un fils à son père «à lui» («Mon père à moi est un personnage de roman.»), Alexandre Najjar n’a pas cherché à rédiger une biographie exhaustive («Peut-on jamais percer tous les secrets d’un être, aussi proche soit-il?») Il raconte son père en contre-plongée mais, vers la fin de chaque récit, il survient toujours un rétablissement en travelling vertical qui replace la perspective au niveau du cœur, de l’amour, de l’empathie. Dans le «Le silence du ténor», Alexandre Najjar décrit le père en puisant dans les souvenirs les plus marquants, les plus pittoresques, les plus essentiels. Et l’essentiel est dit, avec une plume transfigurée par l’amour filial. Sur son site, www.najjar.org , une citation tirée de son roman, «L’astronome» (1997): «Un pays ne meurt pas quand il est occupé: c’est quand sa culture disparaît qu’il meut vraiment.» Et dans son dernier roman, «Le silence du ténor» (2006), une phrase victorieuse clôt avec espoir cette émouvante évocation du père: «Oui, mais le cèdre est resté debout!» Ni l’occupation, ni les guerres, ni la corruption ne viendront à bout de la culture, de la liberté d’expression au pays du cèdre glorieux d’Alexandre Najjar. Cet écrivain francophone, l’un des plus doués de sa génération, est né à Beyrouth, en 1967. Après un premier recueil de poèmes, «A quoi rêvent les statues?» (1989) et un recueil de nouvelles, «La honte du survivant» (1989), il devient Lauréat de la première bourse de l’écrivain, décernée par la Fondation Hachette, en 1990. Depuis, ce Chevalier dans l’ordre des arts et des lettres, cet avocat à la cour, ce conseiller du ministre Libanais de la Culture, ce responsable du prix Phénix de la littérature francophone et initiateur de L’Orient littéraire, est devenu l’auteur de 21 ouvrages allant du roman à l’essai, en passant par les recueils de poèmes, de nouvelles et les biographies.
"Rien que pour la beauté de cette lettre qu'il adressa à son père resté à Beyrouth lorsqu'il étudiait à Paris, pour l'humanité, l'intelligence de cette famille éprise de culture qui se resserre autour de son "cèdre", il faut lire ce livre !"
"Dans Le silence du ténor, Alexandre Najjar salue l'éloquence, la tolérance, la foi et le sang-froid d'un père face aux violences qui ont meurtri le Liban."
"Faisant douloureusement écho à l'actualité, le livre d'Alexandre Najjar met en scène une enfance libanaise, la sienne, dans un pays en guerre... Les souvenirs de l'auteur sont imprégnés d'une tendre dévotion devant ce père énorme. Son hommage salue ce sentiment de protection, de bouclier rassurant face au chaos, qu'inspire le père..."
"Dans une succession de chapitres courts, l'auteur dresse le portrait d'une famille heureuse malgré les épreuves, où alternent les passages cocasses, tendres (relisez la superbe lettre qu'Alexandre, réfugié à Paris pour cause de guerre, envoie à son père) ou tragiques. De ce héros familial, père sur le tard, personnage romanesque par excellence, Alexandre Najjar dresse un portrait saisissant... Derrière ce récit dense, Alexandre Najjar livre une leçon de vie, et l'histoire d'amour qui le lie à son père est aussi forte que celle qui l'unit à son pays et à tous ceux qui y vivent." Lire l'article
La pudeur et l'humour sont aussi la marque du nouveau livre d'Alexandre Najjar, Le Silence du Ténor, un hommage ému et retenu à son père, grand avocat que la maladie a condamné au silence - on l'a opéré d'une dissection aortique, avec succès, mais il a perdu la parole. Cet homme né en 1923 était une voix très écoutée du barreau de Beyrouth, surnommé "l'Amiral" - spécialiste en droit maritime -, puis "le Ténor", pour la qualité de ses plaidoiries, sans effets de manches, mais impeccables de précision et d'art de la démonstration. Lire l'article (version cachée)
La guerre du Liban n’aura rien épargné : l’infrastructure, l’économie, l’unité nationale, la joie de vivre… La reconstruction du pays est une illusion : un vase brisé dont on recolle les morceaux porte à jamais ses fêlures. Je me souviens de nuits épouvantables illuminées par le feu des incendies, du fracas assourdissant des obus, du sifflement des balles des francs-tireurs ; je revois les morts qu’on transporte dans des sacs-poubelles, les blessés qu’on entasse dans les ambulances, les réfugiés qui dorment dans les parkings, les voitures piégées, les bâtiments dévastés, les vitres étoilées et les barricades ; je peux encore sentir l’odeur du sang, de la poudre, de la poussière… Et je me demande comment et pourquoi j’en suis sorti indemne, encore que l’on ne sorte jamais tout à fait indemne d’une telle épreuve.
Pendant la guerre, mon père, optimiste de nature, faisait des projets d’avenir, exhortait ses proches et amis à ne pas abandonner le navire, convaincu que « les bons Libanais » devaient se serrer les coudes et ne pas déserter leur propre pays. A ceux qui, ayant perdu leurs biens, venaient se lamenter chez lui, il promettait des jours meilleurs ; à ceux qui sentaient l’abattement les gagner, il assurait la fin prochaine des combats ; à ceux qui voulaient prendre le chemin de l’exil, il expliquait que l’exil n’est pas remède, mais poison. Etait-il lui-même sûr de ce qu’il avançait ou bluffait-il pour les persuader de rester ? Il se sentait, je crois, investi d’une mission nationale, divine presque, qui consistait à prêcher l’espoir : les gens arrivaient chez lui découragés, ils repartaient confiants, la fleur au fusil.
« Le ténor » prenait toujours les choses du bon côté, voyait la moitié pleine du verre. Il était si optimiste qu’il avait le plus grand mal à se représenter la vieillesse ou la mort. A l’âge de soixante-treize ans, il s’offusqua de me voir le classer dans la catégorie des personnes âgées. « Je ne suis pas vieux », me corrigea-t-il d’un ton sévère. Un jour, pendant la phase la plus critique de la guerre, alors que nous nous trouvions aux abris, confinés dans une salle obscure et malodorante, attentifs au bruit des explosions qui secouaient la ville au-dessus de nos têtes, nous vîmes papa débarquer avec une bougie et une pile de dossiers.
– Qu’est-ce que tu fais, p’pa ?
– Des dossiers à terminer, me répondit-il en s’installant dans un coin de l’abri.
– Quels dossiers ? Le pays est dévasté. Il n’y a ni clients, ni tribunaux, ni juges, ni justice… A quoi bon ?
Mon père hocha la tête et eut ces mots magnifiques :
– Demain la paix viendra, et je dois être prêt.